vendredi 19 décembre 2008

Avis n° 28-2008 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi relatif à la sauvegarde des palmiers

 

Le Conseil constitutionnel,

Vu la lettre du Président de la République en date du 7 avril 2008, parvenue au Conseil constitutionnel le 8 avril 2008 et lui soumettant un projet de loi relatif à la sauvegarde des palmiers,

Vu la Constitution et notamment son préambule et ses articles 12, 34, 72 et 75,

Vu le projet de loi relatif à la sauvegarde des palmiers,

Après délibération,

Sur la saisine du Conseil :

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Considérant que le projet de loi soumis s'insère, eu égard à son contenu, dans le cadre de la saisine obligatoire;

Sur le fond:

Considérant que le projet de loi soumis est relatif à la sauvegarde des palmiers en interdisant leur abattage ou l'ablation de leurs bourgeons terminaux sauf dans des cas fixés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, ainsi que leur arrachage, mise à feu, destruction ou transport sauf dans des cas prévus par le projet de loi soumis et sous réserve de l'obtention d'une autorisation du gouverneur territorialement compétent et en soumettant leur exportation à une autorisation du ministre chargé de l'agriculture;

Considérant que le projet de loi soumis comprend également des dispositions relatives à la détermination des infractions et des sanctions qui leur sont applicables, à l'habilitation d'agents publics appartenant à différents corps administratifs pour constater lesdites infractions et d'autres dispositions autorisant le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement de conclure une transaction concernant certaines infractions prévues;

En ce qui concerne les agents habilités à constater les infractions:

Considérant que l'article 7 du projet a attribué la mission de constater des infractions prévues dans le projet de loi soumis aux officiers de la police judiciaire prévus aux numéros 3 et 4 de l'article 10 du code de procédure pénale et aux agents des catégories (A) et (B) relevant du ministère chargé de l'agriculture et du ministère chargé de l' environnement et des établissements publics soumis à leur tutelle, et qui sont assermentés et habilités à cet effet;

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Considérant que l'article 7 du projet de loi soumis qui a désigné les personnes chargées de la constatation des infractions prévues, dispose qu'elles doivent être habilitées et assermentées à cet effet et détermine les conditions minimales requises pour que ces agents puissent exercer ces compétences;

Considérant que ces dispositions sont ainsi compatibles avec l'article 34 de la Constitution;

En ce qui concerne la force probante des procès-verbaux:

Considérant que l'article 8 du projet de loi prévoit que les agents habilités à constater les infractions, visés à l'article 1 sont tenus d'émarger les procès-verbaux qu'ils ont établis et de les adresser au procureur de la République près le tribunal territorialement compétent;

Considérant que les procès-verbaux établis par les officiers de la police judiciaire ou les fonctionnaires auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les infractions, font foi, conformément à la législation en vigueur, jusqu'à preuve du contraire;

Considérant qu'aux termes du second paragraphe de l'article 12 de la Constitution «tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense»;

Considérant que la force probante des procès-verbaux, et par conséquent son impact sur le déroulement du procès et sur d'éventuelles condamnations, requièrent des formalités de nature à garantir les droits de défense;

Considérant que la mention aux procès-verbaux des noms des officiers de la police judiciaire ou des personnes habilitées à cet effet, de leur qualité, de l'identité des contrevenants, de la date et du lieu de constatation des infractions, des faits qui sont imputés aux personnes concernées, de leurs déclarations aussi que la présentation auxdites personnes du procès-verbal établi à cet effet pour signature, constituent une procédure essentielle pour la garantie des droits de défense, autant que cela permet notamment de s'assurer, le cas échéant, de l'habilitation des agents ayant établi ces procès-verbaux et offre la possibilité de vérifier que les constatations ont été faites personnellement par lesdits agents;

Considérant que quand bien même l'article 8 du projet de loi soumis dispose que le procès-verbal doit être émargé par l'agent qui l'a établi, l'absence de toute indication de l'obligation d'insertion du nom dudit agent et de sa qualité officielle, de l'identité du contrevenant, de la date et du lieu de constatation de l'infraction, des faits imputés audit contrevenant et de ses déclarations ainsi que de la présentation du procès-verbal pour approbation et signature, est de nature à rendre le procès-verbal dépourvu des garanties nécessaires permettant au contrevenant, le cas échéant, de se défendre, ce qui implique l'incompatibilité du dit article 8 avec l'article 12 de la Constitution;

En ce qui concerne la transaction :

Considérant qu'il ressort de l'article 11 du projet de loi soumis que le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement, peuvent, en dehors des cas de récidive, et tant qu'un jugement définitif, n'a pas été prononcé, conclure une transaction au sujet des infractions prévues et réprimées par l'article 9 de ce projet, que l'exécution de la transaction prévue éteint l'action publique:

     Considérant           que    l'article         9        précité         prévoit  l'incrimination de l'abattage, l'arrachage, l'ablation du bourgeon terminal, le transport, l'exportation, la replantation, la mise à feu ou la destruction des palmiers sans autorisation ou en infraction aux dispositions du cahier des charges, et la sanction de quiconque commettant ces infractions, par une amende allant de 400 à 500 dinars; qu'en cas de récidive, l'amende est portée au double;

Considérant que la Constitution a consacré la règle de la séparation des pouvoirs, tel que cela ressort, notamment, de son préambule:

Considérant que cette règle implique, notamment, qu'une compétence de principe soit reconnue à la justice pour exercer l'action publique et statuer à son sujet:

Considérant que s'il est loisible au législateur de prévoir, dans certains cas l'extinction de l'action publique en vertu de la transaction que l'administration conclut avec les contrevenants, cette possibilité doit se cantonner aux faits conduisant à des sanctions ayant un caractère indemnitaire, telles que les infractions fiscales, économiques et douanières;

Considérant qu'en dehors de ces cas, la transaction en matière pénale, ne peut avoir lieu que par voie de la justice, sous sa supervision ou sous son contrôle, cette compétence lui revenant de principe sur la base de la règle de la séparation des pouvoirs prévue par le préambule de la Constitution;

Considérant qu'il apparaît des infractions prévues par l'article 9 du projet soumis, que les sanctions qui leur sont applicables n'ont pas un caractère indemnitaire;

Considérant qu'eu égard à la nature des sanctions applicables à ces infractions, la conclusion de la transaction dans ces cas par le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'environnement, conformément aux dispositions prévues dans l'article Il du projet de loi soumis et sans recours à la justice, est incompatible avec la Constitution;

Considérant qu'il apparaît de l'examen du reste des dispositions du projet, qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution et qu'elles sont compatibles avec celle-ci; Emet l'avis suivant:

Le projet de loi relatif à la sauvegarde des palmiers ne soulève aucune inconstitutionnalité, à l'exception des dispositions de l'article 8 qui sont incompatibles avec les articles 12 et 34 de la Constitution et des dispositions de l'article Il qui sont incompatibles avec le préambule de la Constitution.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans la séance tenue à son siège au Bardo le mercredi 7 mai 2008

Notes:

Un intéressant avis dont d'autres en des termes semblables ont été prononcés avant.

Juste une remarque en lisant cet avis: Que penser des autres textes de lois qui contiennent des dispositions semblables (ou pires) à l'article 8 du dit projet?

Ces dispositions sont déclacrées inconstitutionnelles ipso facto par l'effet des Avis du CC.

Les tribunaux sont donc dans l'obligation de refuser leur application étant donné que les avis du CC sont obligatoires.