lundi 5 novembre 2007

Infraction aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales

Avis n°74-2005 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi relatif à l'infraction aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales

Vu la Constitution et notamment ses articles 5, 9, 12, 28, 34 et 72,

Sur la saisine du Conseil :

Considérant que le projet de loi examiné a pour objet de fixer les règles générales relatives à la répression des infractions aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales;

Considérant que le projet comprend des dispositions ayant trait aux obligations, à la détermination des infractions et des peines qui leur sont applicables ainsi qu'à la procédure devant les tribunaux;

Sur le fond:

Considérant que le projet de loi soumis a trait à la répression des infractions aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales ;

Considérant que le projet comprend des dispositions ayant trait, notamment, à la constatation des infractions d'hygiène, à la désignation des agents habilités à cet effet, à la procédure de recouvrement des amendes afférentes auxdites infractions ainsi qu'aux cas de recours à la justice ;

En ce qui concerne l'article 2:

Considérant que cet article prévoit que les contraventions aux règlements d'hygiène sont classées en trois catégories et que la liste des contraventions pour chaque catégorie et les amendes encourues seront fixées par décret ;

Considérant que l'article 34 de la Constitution dispose, notamment, que sont pris sous forme de lois, les textes relatifs à la détermination des crimes et délits et des peines qui leur sont applicables ainsi que des contraventions pénales sanctionnées par une peine privative de liberté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 de la Constitution « les matières, autres que celles qui sont du domaine de la loi, relèvent du pouvoir réglementaire général» ;

Considérant qu'il ressort, ainsi, des articles 34 et 35 de la Constitution qu'il est permis de déterminer les contraventions et les peines y afférentes par décret lorsque lesdites contraventions ne sont pas sanctionnées par une peine privative de liberté;

Considérant que l'article 2 du projet soumis prévoit, certes, que les peines encourues sont des amendes, que, néanmoins, cela doit demeurer dans la limite maximale du montant des amendes en matière de contraventions conformément à la législation en vigueur, pour que les contraventions en question ne se transforment pas, en fonction des peines qui leur sont prévues, en délits, ce qui impliquerait leur détermination par une loi, en application de l'article 34 de la Constitution;

Considérant que l'article 2 du projet est, dans la limite de cette interprétation, compatible avec le Constitution;

En ce qui concerne l'article 4 :

Considérant que cet article prévoit, notamment, que les agents chargés du constat des contraventions sont autorisés, dans l'exercice de leurs fonctions, à accéder aux locaux d'habitation, conformément aux conditions mentionnées au code de procédure pénale;

Considérant que l'article 9 de la Constitution dispose, notamment, que l'inviolabilité du domicile est garantie, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi;

Considérant qu'il ressort de l'article 28 de la Constitution, tel que modifié, notamment, par la loi constitutionnelle n° 76-37 du 8 avril 1976, que la loi prévoyant les cas exceptionnels à l'inviolabilité du domicile a le caractère de loi organique;

Considérant que les dispositions du code de procédure pénale prises avant 1976 et qui sont relatives à l'accès au domicile se classent parmi les lois organiques, notamment celles prévues à l'article 94 du code précité ;

Considérant qu'il ressort dudit article 94 que l'accès au domicile pour la perquisition a lieu dans des cas exceptionnels dont celui de l'habilitation des agents de l'administration par un texte spécial;

Considérant que les dispositions prévues par l'article 4 du projet de loi soumis concernent, de la sorte, le cas d'habilitation des agents de l'administration à accéder au domicile;

Considérant que, d'autre part, les dispositions prévues par le code de procédure pénale et notamment celles des articles 11 , 94 (paragraphe l et deuxièmement ), 95 et 96 offrent une panoplie de garanties pour l'inviolabilité du domicile, même dans les cas où il est permis à des agents publics d'accéder au domicile, la plus importante de ces garanties étant de conférer un caractère juridictionnel à l'opération de perquisition, dans la mesure où le juge d'instruction procède à la perquisition personnellement ou en déléguant les agents de la police judiciaire visés à l'article 94 (deuxièmement) du code en question, hormis le cas de délit ou de crime flagrants ;

Considérant que si l'article 4 précité soumet l'accès des agents habilités au domicile aux conditions prévues par le code de procédure pénale, cela ne doit pas se faire en deçà des garanties offertes par ce code et qui conditionnent l'accès des officiers de la police judiciaire au domicile, et ce par exception à la garantie de l'inviolabilité du domicile prévue à l'article 9 de la Constitution;

Considérant que le fait de se limiter à se référer aux conditions prévues par le code en question est de nature à écarter une garantie essentielle, celle de l'intervention du juge pour superviser ou contrôler l'opération d'accès au domicile;

Considérant que s'il est loisible d'autoriser, par un texte spécial, les fonctionnaires et les agents de l'administration à perquisitionner au domicile, ce texte ne doit pas se limiter à les habiliter et déterminer leur qualité sur la base de l'article 94 (troisièmement) du code précité et à renvoyer aux conditions prévues par ce code , il doit prévoir explicitement, en même temps, la garantie fondamentale consistant en l'intervention du juge pour superviser ou contrôler l'opération d'accès au domicile, en appréciant le cas qui lui est soumis;

Considérant que l'absence du contrôle juridictionnel, dans ce cas, risque d'aboutir à la méconnaissance des exigences de la garantie relative à l'inviolabilité du domicile qui représente l'espace de l'inviolabilité de la personne humaine garantie par l'article 5 de la Constitution, sans compter que cela affecte les droits de la défense prévus par l'article 12 de la Constitution, la perquisition se situant au cœur de la procédure afférente au jugement;

Considérant que les dispositions de l'article 4 du projet de loi soumis sont, de la sorte, incompatibles avec les articles 5, 9 et 12 de la Constitution;

En ce qui concerne les articles 6, 7 et 9 du projet soumis:

Considérant qu'il ressort des articles 6 et 7 du projet soumis que l'agent habilité à constater la contravention aux règlements d'hygiène fait mention dans le procès-verbal qu'il dresse à cet effet que le contrevenant a été informé que ledit procès-verbal ne sera pas transmis au ministère public en cas de paiement immédiat et définitif du montant de l'amende, entre les mains de l'agent ou à la recette des finances compétente dans un délai de trois jours de la date du constat et de l'élimination, le cas échéant, des séquelles de l'infraction et que s'il s'abstient de payer l'amende et d'éliminer les séquelles de l'infraction et demande la transmission du procès-verbal au ministère public, mention en sera faite audit procès-verbal, l'auteur de l'infraction étant tenu, toutefois, de payer l'amende, à titre de consignation, immédiatement entre les mains de l'agent ou à la recette des finances compétente dans un délai de trois jours ;

Considérant qu'il ressort des dispositions explicites de l'article 9 du projet que le président de la collectivité locale transmet obligatoirement le procès-verbal du constat au procureur de la République en cas de non paiement du montant de l'amende de façon définitive ou à titre de consignation, ou à la demande du contrevenant, après consignation dudit montant;

Considérant que les dispositions visées du projet ouvrent la possibilité d'infliger une peine pénale au contrevenant et de la mettre à exécution définitivement sans le juger dans un procès lui offrant les garanties indispensables à sa défense;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 12 de la Constitution, « tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense» ;

Considérant qu'il découle de la présomption d'innocence prévue par la Constitution, que le prévenu est dispensé de la charge de la preuve, cette charge incombant à l'autorité de poursuite;

Considérant que l'article 5 de la Constitution prévoit la garantie de l'inviolabilité de la personne humaine;

Considérant que le respect de la présomption d'innocence est à même d'assurer l'une des garanties de l'inviolabilité de la personne humaine ;

Considérant qu'il ressort de l'article 2 du projet soumis que les infractions aux règlements d'hygiène prévues par ledit projet sont de la catégorie des contraventions sanctionnées par des amendes simples et non de celle des infractions sanctionnées par des peines privatives de liberté ou déshonorantes ou qui peuvent être inscrites au casier judiciaire du condamné ;

Considérant qu'il s'ensuit que le fait d'infliger une peine pécuniaire aux contrevenants et d'assurer son exécution immédiate n'affecte pas l'inviolabilité de la personne humaine, tant que l'auteur présumé de ces contraventions simples renonce, de son propre gré, à sa présomption d'innocence ainsi qu'à son droit à un procès, à condition d'être informé des droits auxquels il renonce ;

Considérant que le paragraphe 2 de l'article 6 du projet soumis prévoit que le procès-verbal dressé par l'agent municipal mentionne obligatoirement que le contrevenant a été informé de la non transmission dudit procès -verbal au ministère public en cas de paiement définitif du montant de l'amende; qu'il ressort, également, de la lecture combinée de l'article 7 et de l'article 9 du projet qu'au cas où le contrevenant refuse de payer l'amende et demande la transmission du procès-verbal au ministre public, il en est fait mention dans le procès -verbal du constat qui sera, dans ce cas, obligatoirement transmis par le président de la collectivité locale au ministère public;

Considérant qu'il apparaît de l'ensemble de ces dispositions que lorsque le contrevenant, dans cette hypothèse, procède au paiement immédiat de l'amende, il le fait en pleine connaissance de ses droits et ne renonce à les exercer ni par contrainte, ni par ignorance;

Considérant que les prescriptions du paragraphe 2 de l'article 12 de la Constitution ne font pas obstacle, par ailleurs, à ce que l'autorité administrative procède, dans de tels cas, au recouvrement des amendes exigées à titre de consignation, tant que la loi offre au contrevenant la possibilité de se faire, ultérieurement, entendre par la justice en vue d'examiner l'infraction, contrôler la procédure de sa constatation et statuer sur le chef d'accusation retenu contre lui, dans le cadre d'un procès lui offrant les garanties indispensables à sa défense;

Considérant que l'article 9 du projet reconnaît au contrevenant qui paie le montant de l'amende à titre de consignation le droit de demander la transmission, au ministère public, du procès-verbal du constat de la contravention aux règlements d'hygiène, ce qui lui garantit le droit à un procès conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 12 de la Constitution.

Considérant que le paiement anticipé, à titre de consignation, du montant des amendes encourues suite à l'inobservation des règlements d'hygiène n'est pas contraire, de la sorte, aux exigences du paragraphe 2 de l'article 12 de la Constitution.

Considérant qu'il apparaît de l'étude du reste des dispositions du projet qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution et sont compatibles avec celle-ci.

Emet l'avis suivant:

Le projet de loi relatif à l'infraction aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales ne soulève, dans la limite de l'interprétation faite par le Conseil de son article 2 , aucune inconstitutionnalité, à l'exception de son article 4 qui est incompatible avec l'article 9 de la Constitution.

Le vendredi 21 octobre 2005

Journal Officiel de la République Tunisienne - 18 août 2006; Page 2369.

Avis n° 82-2005 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi relatif à l'infraction aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales

Vu la Constitution et notamment ses articles 5, 9, 12, 72, 73 et 75,

Sur la saisine du Conseil :

Considérant que le Conseil a déjà été saisi du projet en question par lettre du Président de la République en date du 7 septembre 2005, a émis, à son sujet, un avis le 21 octobre 2005 par lequel il a soulevé des inconstitutionnalités concernant l'article 4 du projet et y a adopté une réserve d'interprétation de son article 2 ;

Considérant que l'examen du projet dans sa nouvelle version s'insère dans le cadre des articles 72,73 et 75 de la Constitution et est fait en application de l'article 23 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ;

Sur le fond :

En ce qui concerne l'article 2 :

Considérant que cet article est compatible avec la Constitution dans la limite de l'interprétation retenue par le Conseil dans son avis précité n° 74-2005 ;

En ce qui concerne l'article 4 :

Considérant que cet article prévoit, dans sa nouvelle version, ce qui suit: « Les agents chargés du constat des contraventions sont dans l'exercice de leurs fonctions, autorisés à :

1) accéder au cours des heures habituelles d'ouverture ou de travail, aux locaux professionnels; ils peuvent, en outre, accomplir leurs missions lors du transport des marchandises et des divers produits, depuis et vers ces locaux.

2) accéder aux locaux d'habitation, conformément aux conditions mentionnées au code de procédure pénale, après y être autorisés par le procureur de la république, s'il y a des présomptions d'exercice d'une activité professionnelle portant atteinte aux règlements d'hygiène.

3)...»;

Considérant que le paragraphe 2 de cet article permet aux agents chargés du constat des contraventions d'hygiène d'accéder aux locaux d'habitation conformément aux conditions prévues par le code de procédure pénale, à condition d'y être préalablement autorisés par le procureur de la République et qu'il existe des présomptions d'exercice d'une activité professionnelle portant atteinte aux règlements d'hygiène, ce qui entoure l'opération des garanties fondamentales, tel qui est indiqué dans l'avis précité n°74-2005 ;

Considérant que la nouvelle version du paragraphe 2 de l'article 4 du projet est, de la sorte, compatible avec la Constitution et notamment avec ses articles 5,9 et 12 ;

Emet l'avis suivant:

Le projet de loi relatif à l'infraction aux règlements d'hygiène dans les zones relevant des collectivités locales ne soulève, dans la limite de l'interprétation faite par le Conseil de son article 2, aucune inconstitutionnalité.

Le mercredi 28 décembre 2005

Journal Officiel de la République Tunisienne - 18 août 2006; Page 2369.

Note:

Plusieurs enseignements à tirer de ces avis:

1- Il est permis de déterminer les contraventions et les peines y afférentes par décret lorsque les dites contraventions ne sont pas sanctionnées par une peine privative de liberté

2- Les dispositions du code de procédure pénale prises avant 1976 et qui sont relatives à l'accès au domicile se classent parmi les lois organiques. Cette affirmation peut s'étendre aux différents textes relatifs aux matières nouvellement règlementées par la constitution.

Serait-il judicieux d'exiger du pouvoir exécutif de faire l'inventaire des textes dont la nature a éventuellement muté?

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