samedi 3 novembre 2007

le règlement intérieur de la Chambre des conseillers

Avis n° R.I. 02-2005 du Conseil constitutionnel concernant le règlement intérieur de la Chambre des conseillers

Vu la lettre du président de la Chambre des conseillers en date du 13 septembre 2005, parvenue au Conseil constitutionnelle 14 septembre 2005 et soumettant au Conseille règlement intérieur de la Chambre des conseillers,

Vu la Constitution et notamment ses articles 18, 19, 21, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 35, 36, 61, 74 et 75,

Vu la loi organique du budget n°67-53 du 8 décembre 1967 telle que modifiée et complétée par les textes subséquents et notamment par la loi organique n°2004-42 du 13 mai 2004,

Vu le code électoral tel que modifié et complété notamment par la loi organique n° 2003-58 du 4 août 2003,

Vu la loi organique n°2004-48 du 14 juin 2004 portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux chambres,

Vu le règlement intérieur de la Chambre des conseillers adopté par ladite chambre dans sa séance du 12 septembre 2005,

Sur la saisine du Conseil :

Considérant que le règlement intérieur de la Chambre des conseillers à été adopté par ladite Chambre dans sa séance tenue le 12 septembre 2005 ;

Considérant qu'il ressort du dernier paragraphe de l'article 74 de la Constitution que le règlement intérieur de la Chambre des conseiller est soumis au Conseil constitutionnel avant sa mise en application;

Considérant que la saisine du Conseil s'insère dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 74 de la Constitution;

Sur le fond :

Considérant que la Constitution confie, dans le dernier paragraphe de son article 33, d'une part, à la loi la détermination de l'organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et la fixation des relations entre elles et, d'autre part, au règlement intérieur la détermination de l'organisation du travail de la Chambre des conseillers ,

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la Constitution, la loi prévue à l'article 33 a le caractère de loi organique;

Considérant que, en application de l'article 28 de la Constitution, la loi prévue à son article 33 a été prise sous forme d'une loi organique portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux Chambres;

Considérant qu'en plus de la Constitution, les lois auxquelles elle renvoie pour ce qui concerne le travail de la Chambre des conseillers et notamment la loi organique portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux Chambres, la loi organique du budget et le code électoral constituent un support dans la détermination du règlement intérieur de la Chambre des conseillers ;

Considérant que l'appréciation de la constitutionnalité du règlement intérieur de la Chambre des conseillers se fait au regard de la Constitution et du respect par ce règlement intérieur des dispositions contenues dans les lois en question;

Considérant que le règlement intérieur de la Chambre des conseillers comprend 52 articles répartis sur huit chapitres comme suit:

1- séances d'ouverture (de l'article 1er à l'article 3 )

2- le bureau (de l'article 4 à l'article 8)

3- organisation du travail de la Chambre (de l'article 9 à l'article Il)

4- organisation des séances plénières (de l'article 12 à l'article 26)

5- les commissions (de l'article 27 à l'article 41)

6- la séance plénière (de l'article 42 à l'article 48)

7- l'immunité (les articles 49 et 50)

8- la modification du règlement intérieur (les articles 51et52)

En ce qui concerne le premier chapitre:

Considérant que ce chapitre a trait essentiellement à la date à laquelle a lieu la séance d'ouverture de la Chambre des conseillers et au serment constitutionnel prêté par les membres élus ou désignés dans le cadre du renouvellement périodique de la Chambre, que le premier chapitre prévoit, également, la date de la tenue de la session ordinaire et ses délais ;

Considérant que ces règles s'accordent avec les dispositions prévues, à ce sujet, par les articles 21 et 29 de la Constitution et leur sont conformes ;

Considérant que ce chapitre prévoit en outre les règles d'organisation relatives à la convocation aux séances en question, à la présidence de la séance d'ouverture et à l'élection du président de la Chambre, du premier vice-président, du deuxième vice - président, des membres des commissions, de leurs présidents et rapporteurs ainsi que de leurs rapporteurs adjoints;

Considérant que les prescriptions prévues, à cet effet, s'insèrent dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution, qu'elles sont, par conséquent, compatibles avec la Constitution et notamment avec le dernier paragraphe de l'article 72 et le quatrième paragraphe de l'article 75, qu'elles s'accordent, par ailleurs, avec les articles 6 et 7 de la loi organique n° 2004-48 en ce qui concerne l'élection de la commission de recensement des voix et de contrôle des opérations de vote lors des séances d'ouverture et l'élection du président de la Chambre des conseillers à la séance d'ouverture de chaque session ;

En ce qui concerne le deuxième chapitre:

Considérant que ce chapitre concerne la composition du bureau, ses attributions, les dates de ses réunions, les attributions propres à son président, sa suppléance ainsi que le remplacement des membres, en cas de vacance ;

Considérant que le bureau de la Chambre représente l'un des organes internes de direction qui est prévu par les articles 27 et 57 de la Constitution, que son organisation s'insère dans le cadre de l'article 33 de la Constitution, que les règles relatives à sa compétence, à son organisation et à sa procédure sont en accord, notamment, avec les articles 3, 8 et 10 de la loi organique n° 2004-48 ;

En ce qui concerne le troisième chapitre:

Considérant que ce chapitre prévoit que le président de la Chambre des conseillers reçoit les projets de loi approuvés par la Chambre des députés conformément à ce qui est prévu par le deuxième paragraphe de l'article 33 de la Constitution;

Considérant qu'il comporte, également, les règles relatives à l'enregistrement desdits projets, leur envoi aux membres de la Chambre et leur transmission concomitante aux commissions compétentes;

Considérant que ce chapitre prévoit, d'autre part, la procédure d'organisation ayant trait à l'étude des projets en question, à la date de la tenue des séances plénières et à la transmission du projet de l'ordre du jour aux membres de la Chambre et au pouvoir exécutif;

Considérant que ces règles et procédure s'insèrent dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution et sont compatibles avec les premier et troisième paragraphes de l'article en question, que la transmission diligentée par le président de la Chambre des projets aux commissions compétentes est en accord avec la loi organique n02004-48 ;

Considérant que l'article 11 de ce chapitre prévoit, dans son dernier paragraphe, la procédure qu'il convient de suivre au cas où le Président de la République exerce son droit d'opposition prévu à l'article 35 de la Constitution ;

Considérant que la procédure concernant cette hypothèse prévue au deuxième paragraphe de l'article 35 de la Constitution est compatible avec la Constitution et elle s'accorde avec la loi organique n° 2004-52 relative au Conseil constitutionnel et à la loi organique n°2004-48 portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux chambres ;

En ce qui concerne le quatrième chapitre:

Considérant que ce chapitre a trait à l'organisation des séances plénières en ce qui concerne la convocation auxdites séances, leur ouverture, le quorum requis pour leur tenue et les conditions de leur validité ou cas où le quorum n'est pas atteint, les mesures dont dispose le président de la Chambre pour garantir l'assiduité, diriger le débat et maintenir l'ordre lors des séances plénières ainsi que les modalités de votation, sa procédure et les moyens utilisables à cet effet;

Considérant que les prescriptions du règlement intérieur prévues à ce sujet s'insèrent dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution et les règles posées à cet effet s'accordent avec la loi organique n° 2004-48 précitée et notamment ses articles 3, 7et 8 ;

Considérant que l'article 23 de ce chapitre confie au président de la Chambre des conseillers le soin d'informer le Président de la République des décisions de la Chambre et d'informer le président de la Chambre des députés dans les cas prévus par la Constitution et la loi organique portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux chambres;

Considérant que cette compétence du président de la Chambre des conseillers est conforme l'article 33 de la Constitution dans ses paragraphes quatre et six, que certaines procédures la concernant sont en accord avec la loi organique n° 2004-48 précitée.

Considérant que les autres articles insérés dans ce chapitre concernent , notamment, la publicité des séances plénières, les informations relatives aux dates de leur tenue et de leur ordre du jour, la publication des débats de la Chambre, de ses décisions et des résultats des opérations de vote au Journal officiel de la République tunisienne, les procédures relatives aux oppositions éventuelles déposées par les intervenants quant à la portée de leurs interventions publiées, la possibilité de tenir des séances à huis clos à la demande de la partie habilitée à cet effet ainsi que la consultation des procès verbaux des séances tenues à huis clos;

Considérant que ces prescriptions ne sont pas contraires à la Constitution, qu'elles ont un aspect organisationnel qui s'insère dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution et sont en accord avec la loi organique n° 2004-48 précitée et notamment ses articles 2et 5 ;

En ce qui concerne le cinquième chapitre :

Considérant que le cinquième chapitre du règlement intérieur est consacré aux commissions de la Chambre des conseillers: des commissions permanentes travaillant sans discontinuité même durant les vacances de la Chambre , des commissions non permanentes chargées d'examiner le projet du plan de développement, d'autres commissions non permanentes chargées d'examiner les projets de loi du budget et la commission spéciale appelée à examiner , éventuellement , la modification du règlement intérieur;

Considérant qu'il prévoit que les commissions en question sont constituées par la voie de l'élection,

Considérant que les prescriptions du règlement intérieur sont, en ce qui concerne la constitution de ces commissions et la modalité de leur mise en place, conformes à l'article 30 de la Constitution;

Considérant que le règlement intérieur fixe le nombre des commissions permanentes, le nombre de leurs membres et leur compétence.

Considérant que, si le règlement intérieur confie à la commission des affaires politiques et des relations extérieures la mission d'examiner les projets relatifs aux relations extérieures, il précise que cette compétence s'exercera dans la limite des dispositions constitutionnelles.

Considérant qu'en prévoyant ainsi cette disposition concernant les attributions de ladite commission, le règlement intérieur tient compte des compétences attribuées à la Chambre des conseillers par la Constitution qui ne lui confère pas la compétence de l'approbation des traités internationaux.

Considérant que le chapitre relatif aux commissions détermine, également, les aspects organisationnels concernant la présence, les modalités de la tenue de leurs séances y compris celles qui sont imprévues et urgentes, le quorum exigé, le mode de prise de décision, les délais d'achèvement de l'examen des projets adoptés par la Chambre des députés, les règles concernant la rédaction du rapport et la procédure relative aux réunions communes entre deux ou plusieurs commissions.

Considérant que ces prescriptions du règlement intérieur s'insèrent dans le cadre du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution au sujet de la compétence de la Chambre des conseillers d'organiser son travail, qu'elles sont également compatibles avec l'article 30 de la Constitution, que, par ailleurs, la mention faite de la possibilité de demander l'audition du membre du gouvernement est compatible avec l'article 61 de la Constitution et est en accord avec la loi organique n° 2004-48 et notamment son article 13;

Considérant que, d'autre part, si la loi organique n° 2004-48 prévoit expressément que les séances plénières de la Chambre des conseillers sont publiques, sauf dans des cas exceptionnelles, elle ne prévoit pas en revanche cette publicité pour les réunions des commissions, qu'ainsi la règle de la confidentialité du travail des commissions prévue par le règlement intérieur est compatible avec la Constitution et en accord avec la loi organique précitée.

En ce qui concerne le sixième chapitre:

Considérant que ce chapitre prévoit les missions réservées à la séance plénière et la procédure qui y est suivie dans l'examen et la discussion des projets de loi et des points insérés dans l'ordre du jour.

Considérant qu'il détermine les étapes à suivre dans la discussion des projets de loi, la proposition des amendements les concernant, les règles de votation ainsi que l'adoption, le report ou le rejet desdits projets;

Considérant que ces règles s'insèrent dans le cadre du premier paragraphe de l'article 18 de la Constitution pour ce qui est de la compétence de la Chambre et du dernier paragraphe de l'article 33 de la Constitution pour ce qui est de l'organisation de son travail;

Considérant que les dispositions prévues par ce chapitre sont compatibles, par ailleurs, avec les articles 28, 30 et 61 de la Constitution;

Considérant que ce chapitre prévoit, d'autre part, la majorité requise pour l'adoption aussi bien des projets de lois organiques que des projets de lois ordinaires, qu'il précise, également, que la discussion du projet du budget de l'Etat et de son règlement a lieu conformément à la loi organique du budget;

Considérant que ces prescriptions sont conformes au sixième paragraphe de l'article 28 de la Constitution quant à la majorité requise pour l'adoption des projets de loi et au dixième paragraphe du même article en ce qui concerne l'observation des règles prévues par la loi organique du budget lors de la discussion du projet du budget de l'Etat et de son règlement;

Considérant que ce chapitre consacre, par ailleurs, les dispositions constitutionnelles prévues à l'article 61 de la Constitution quant au droit d'accès des membres du gouvernement à la chambre des conseillers;

En ce qui concerne le septième chapitre:

Considérant que ce chapitre consacre le principe de l'immunité reconnue aux membres de la Chambre des conseillers en vertu des articles 26 et 27 de la Constitution et les conditions selon lesquelles il est statué sur les demandes relatives à la levée de ladite immunité dans les cas prévus par la Constitution ;

Considérant que le règlement intérieur prévoit, à cet effet, les conditions et les dates relatives à l'élection et à la constitution de la commission spéciale de l'immunité sur la base du deuxième paragraphe de l'article 30 de la Constitution ainsi que la procédure suivie devant elle;

Considérant que le septième chapitre comporte, également, les règles relatives aux vacances à la Chambre des conseillers et à l'information qui en est faite pour procéder, selon le cas, à la désignation ou aux élections complémentaires conformément aux prescriptions du code électoral ;

Considérant que les règles relatives à l'élection et aux attributions de la commission de l'immunité sont conformes aux articles 26,27 et 30 de la Constitution, que les autres prescriptions du septième chapitre du règlement intérieur sont compatibles avec les articles en question et en accord avec les prescriptions du code électoral et les dispositions du quatrième chapitre de la loi organique n° 2004-48 ;

En ce qui concerne le huitième chapitre:

Considérant que ce chapitre est consacré aux règles ayant trait à l'entrée en vigueur du règlement intérieur en application des dispositions du dernier paragraphe de l'article 74 de la Constitution et du premier paragraphe de son article 75;

Considérant qu'il prévoit, également, la procédure suivie pour la modification du règlement intérieur et la majorité requise pour l'adoption des modifications proposées;

Considérant que les règles contenues dans ce chapitre sont, d'une part, conformes aux articles 74 et 75 de la Constitution et, d'autre part, compatibles avec ses articles 30 et 33;

Emet l'avis suivant:

Le règlement intérieur de la Chambre des conseillers est conforme à la Constitution et compatible avec celle-ci.

Le mercredi 05 octobre 2005

Journal Officiel de la République Tunisienne - 25 octobre 2005; Page 2845.

Note:

C'est un Avis très important, spécialement en matière du droit parlementaire tunisien.

Le dernier paragraphe de l'article 33 de la constitution dispose que « l'organisation des deux chambres est fixée par la loi et par le règlement intérieur. La loi fixe, également, les relations entre les deux chambres».

1ère remarque linguistique, si je me permets, la rédaction n'est pas la meilleure possible, tant en version arabe que française. On utilise "le règlement intérieur" sans en faire la référence! De quel règlement on parle?

2ème remarque: la structure du texte signifie-t-elle qu'on interdit aux règlements des 2 chambres de traiter des questions relatives aux relations entre elles? La rédaction impose la réponse positive. Si le législateur avait voulu donner compétence au "règlement intérieur" pour traiter la relation des 2 chambres, le paragraphe en question aurait été rédigé de cette manière : «l'organisation des deux chambres et les relations entre elles, sont fixées par la loi et par le règlement intérieur».

Cet avis est la 1ère consécration pratique de la nouvelle règle constitutionnelle (article 74 $3) soumettant les règlements intérieurs des 2 chambres au "contrôle" du conseil constitutionnel.

Le plus important dans cet arrêt est la détermination par le conseil du "cadre constitutionnel" par référence auquel se fait le contrôle de ces règlements intérieurs. En effet, «en plus de la Constitution, les lois auxquelles elle renvoie pour ce qui concerne le travail de la Chambre des conseillers et notamment la loi organique portant organisation du travail de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers et fixant les relations entre les deux Chambres, la loi organique du budget et le code électoral constituent un support dans la détermination du règlement intérieur de la Chambre des conseillers ». Ainsi, «…l'appréciation de la constitutionnalité du règlement intérieur de la Chambre des conseillers se fait au regard de la Constitution et du respect par ce règlement intérieur des dispositions contenues dans les lois en question».

Dans son analyse des différents chapitres du règlement intérieur de la chambre des conseillers, le conseil n'a pas manqué d'évoquer quelques autres questions rendant toute tentative d'interprétation à leur propos sans aucun sens pratique.

1- au niveau du chapitre V, le conseil réaffirme que les différentes commissions de la chambre sont constituées par voie d'élection. Ceci nous ramène à s'interroger sur l'avenir de la coutume parlementaire qui a instauré un autre mode de constitution des commissions chargées du budget et du plan.

2- Autre affirmation faite par le conseil, celle se rapportant à l'aspect confidentiel des réunions des commissions parlementaires.

3- Le conseil, tout en affirmant que la possibilité de demander l'audition du membre du gouvernement est compatible avec l'article 61 de la Constitution et est en accord avec la loi organique n° 2004-48 et notamment son article 13, passe sous silence à propos de la possibilité d'adresser des questions écrites par les commissions. La question reste donc non résolue. Il faut rappeler à cet égard que bien que le règlement intérieur des 2 chambres permet au député d'adresser des questions écrites et orales aux membres du gouvernement, il ne mentionne pas cette possibilité pour les commissions qui reste une pratique courante de l'activité parlementaire.

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