jeudi 2 août 2007

Décrets-Lois et Sanctions administratives

Avis n° 13-2006 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi portant simplification des procédures dans le domaine des autorisations administratives relatives au secteur touristique

Vu la Constitution et notamment ses articles 7, 12, 31, 34 et 72,

I- Sur la saisine du Conseil :

Considérant que le projet de loi soumis a pour objet de modifier les dispositions contenues aussi bien dans le décret-loi n°73 -3 relatif au contrôle de la gestion des établissements de tourisme que le décret-loi n° 73-13 du 17 octobre 1973 portant réglementation des agences de voyages;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la Constitution, le Président de la République peut, pendant les vacances de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers, prendre des décrets-lois qui sont soumis, selon le cas, à l'approbation de la Chambre des députés ou des deux Chambres, au cours de la session ordinaire qui suit les vacances;

Considérant que les deux décrets-lois en question ont été successivement approuvés par la Chambre des députés en vertu des lois n°73-58 et 73-68 du 19 novembre 1973,

Considérant que les décrets-lois en question ont été, de la sorte, approuvés conformément aux dispositions de la Constitution, qu'ils ont pris, par conséquent, la forme de loi;

Considérant que le projet de loi soumis a pour objet de modifier lesdits décrets-lois approuvés par le pouvoir législatif;

Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la Constitution, le Conseil constitutionnel examine les projets de loi qui lui sont soumis par le Président de la République quant à leur conformité ou leur compatibilité avec la Constitution et la saisine du Conseil est obligatoire pour les projets du loi relatifs aux obligations, à la détermination des crimes, des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables et à la procédure devant les différents ordres de juridictions ;

Considérant qu'il apparaît du projet de loi soumis que les dispositions prévues par ledit projet et par les décrets-lois objet de la modification concernent des questions ayant trait aux obligations, à la détermination des infractions et des peines et à la procédure devant les tribunaux;

Considérant que le projet soumis s'insère, eu égard à son objet, dans le cadre de la saisine obligatoire;

II- Sur le fond :

Considérant que le projet de loi soumis a pour objet, notamment, l'abrogation de l'article 8 du décret-loi n° 73-3, en vue d'abandonner le régime de l'agrément préalable en vigueur pour l'exercice de certaines activités touristiques et de lui substituer le régime de la déclaration et du cahier des charges, qu'il prévoit, également, l'ajout d'un article 20 bis audit décret - loi n°73-3 habilitant le ministre chargé du tourisme à interdire définitivement , dans des cas déterminés , le directeur de l'établissement touristique, d'exercer son activité;

1- En ce qui concerne l'article 20 bis qu'il est projeté d'ajouter au décret-loi n°73-3:

Considérant que cet article détermine les cas dans lesquels le directeur de l'établissement touristique hébergeant les clients sera interdit définitivement d'exercer son activité ;

Considérant que cette mesure administrative représente une sanction;

Considérant qu'alors même que cette sanction ne fait pas partie de la matière pénale entourée, en vertu de l'article 12 de la Constitution, de garanties dont les droits de la défense , il ressort des articles 7 et 12 combinés que les droits de la défense s'étendent à d'autres sanctions;

Considérant qu'il ressort du deuxième tiret de l'article 20 bis qu'en cas d'incapacité professionnelle du directeur de l'établissement touristique , de faute lourde ou de non respect de sa part du cahier des charges , l'arrêté d'interdiction est pris après consultation de la commission de discipline et audition de l'intéressé ou son représentant;

Considérant que le deuxième tiret de l'article 20 bis établit, de la sorte, une procédure à même de garantir les droits de la défense dans les cas qu'il prévoit, que de ce point de vue, les dispositions de l'article 20 bis sont, par conséquent, compatibles avec la Constitution ;

Considérant que le projet prévoit, par ailleurs, l'abrogation d'un ensemble d'articles contenus dans le décret-loi n°73-13et leur remplacement par de nouvelles dispositions en vue d'abandonner le régime de l'autorisation en vigueur pour l'exercice de l'activité d'agences de voyages et de lui substituer le régime de la déclaration et du cahier des charges ;

Considérant que les nouvelles dispositions soumises prévoient, notamment , les règles relatives à l'exercice de l'activité en question, pour ce qui est de l'aptitude professionnelle, des obligations pesant sur les exploitants des agences de voyages, des sanctions pouvant être infligées à toute personne physique ou morale exploitant une agence de voyages ne respectant pas les conditions exigées ;

2- En ce qui concerne l'article 25 (nouveau) du décret-loi n073-13 :

Considérant que l'article 25 (nouveau) détermine les cas dans lesquels le ministre chargé du tourisme peut, par arrêté, suspendre provisoirement ou définitivement l'activité d'une agence de voyages;

Considérant que le fait de mettre fin à l'activité de l'agence de voyages de façon provisoire ou définitive représente une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction;

Considérant qu'alors même que cette sanction ne fait pas partie de la matière pénale entourée, en vertu de l'article 12 de la Constitution, de garanties dont les droits de la défense, il ressort des articles 7 et 12 combinés que les droits de la défense s'étendent à d'autres sanctions;

Considérant qu'étant donné que l'article 27 du décret-loi n°73-13 dispose, notamment, qu'aucune des sanctions citées à l'article 25 dudit décret - loi ne peut être prononcée qu'après avoir informé la personne concernée des motifs conduisant à prendre, à son égard, la mesure projetée et l'avoir mis à même de se faire entendre, ce qui représente une procédure à même de garantir les droits de la défense, l'article 25 (nouveau) prévoyant les sanctions en question est, de la sorte, compatible avec la Constitution,

Considérant qu'il apparaît de l'étude du reste des dispositions du projet qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution et sont compatibles avec celle ci ;

III- Emet l'avis suivant :

Le projet de loi portant simplification des procédures dans le domaine des autorisations administratives relatives au secteur touristique ne soulève aucune inconstitutionnalité

Lundi 3 avril 2006

Journal Officiel de la République Tunisienne - 26 mai 2006; Page 1392.

 

Note: Plusieurs lois ont été promulguées ces derniers temps dans le cadre de l'assouplissement des formalités administratives. Il s'agit, au fait, de remplacer le régime des autorisations administratives par celui des cahiers de charges. C'est le cas du projet de loi objet de cet avis fort intéressant du CC.

Ainsi, le CC aborde la question des vacances parlementaires, des décrets-lois et la qualification de la matière pénale.

Le CC déclarait que les 2 décrets-lois en question ont été successivement approuvés par la Chambre des députés conformément aux dispositions de la Constitution, qu'ils ont pris, par conséquent, la forme de loi. C'est comme on est en présence d'un contrôle a posteriori effectué par le CC sur la procédure constitutionnelle d'adoption desdits décrets-lois!!! Et si le CC aurait détecté une anomalie dans cette procédure? Loin des éventualités, le CC a ouvert la porte à cette possibilité de procéder à un contrôle a posteriori.

Ensuite, le CC fait 2 affirmations d'une portée importante:

La 1ère est que l'interdiction d'exercer une activité est une mesure administrative représentant une sanction. Mais pas une sanction pénale que la constitution a entouré de garanties. La sanction administrative est elle moins garantie que celle pénale?

Non, C'est la 2ème affirmation que fait le Conseil. Les droits de la défense est un principe qui s'applique aux sanctions indépendamment de leurs natures.

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