Avis n° 10 - 2006 du Conseil constitutionnel sur un projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2001-50 du 3 mai 2001 relative aux entreprises des pôles technologiques
Vu la Constitution et notamment ses articles 34, 35 et 72,
I- Sur la saisine du Conseil :
Considérant que le projet soumis vise, notamment, à abroger les dispositions de l'article 6 de la loi n° 2001-50 du 3 mai 2001 relative aux entreprises des pôles technologiques, à les remplacer par de nouvelles dispositions et à ajouter, à la loi précitée, un quatrième chapitre relatif aux groupements et entreprises de gestion des pôles technologiques créés sur le domaine de l'Etat et à leur organisation;
Considérant qu'il apparaît du projet de loi soumis qu'il comprend des dispositions ayant trait aux obligations, à la procédure devant les tribunaux et aux principes fondamentaux des droits réels;
Considérant que le projet soumis s'insère, eu égard à son objet, dans le cadre de la saisine obligatoire;
II- Sur le fond:
Considérant que le projet de loi soumis prévoit la possibilité de créer des groupements d'intérêt public économique exerçant les missions prévues à l'article 2 de la loi n° 2001-50 relative aux entreprises des pôles technologiques;
Considérant que le projet en question institue, pour ces groupements, un régime spécial prévoyant les modalités et les conditions de leur création ainsi que la tutelle exercée sur eux, qu'il les soumet, dans l'exercice de leur activité, au Code du commerce, pour ce qui n'est pas contraire aux dispositions du projet de loi;
Considérant que l'article 34 de la Constitution dispose, notamment, que sont pris sous forme de lois, les textes relatifs à la création de catégories d'établissements et d'entreprises publics;
Considérant que l'article 35 de la Constitution dispose, notamment, que les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi relèvent du pouvoir réglementaire général;
Considérant qu'alors même que le projet de loi étend à ces groupements le régime fiscal relatif aux établissements publics à caractère administratif et fait d'eux des structures d'utilité publique dotés de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, lesdits groupements ne représentent pas une catégorie d'établissements publics au sens de l'article 34 de la Constitution et ne sont pas, en outre, soumis aux règles prévues par la loi n° 89-9 du 1er février 1989 relative aux participations et entreprises publiques telle que modifiée et complétée par les textes subséquents ;
Considérant qu'il s'ensuit que la création de ces groupements ne s'insère pas dans le cadre de l'article 35 de la Constitution;
Considérant que les règles relatives à ces groupements ont trait aux obligations, que les textes relatifs à celles-ci sont pris sous forme de lois, en application de l'article 34 de la Constitution;
Considérant que le projet de loi fait des groupements en question des structures d'utilité publique économique gérant un service public, leur accorde des avantages spécifiques tels que le bénéfice du régime fiscal réservé aux établissements publics à caractère administratif, la dispense du capital au moment de la création, l'octroi de recettes provenant aussi bien des participations pouvant leur être fournies par les personnes publiques ou d'autres organismes ou organisations que des legs et dons et les excepte de l'application des dispositions relatives à la faillite et à la procédure de redressement amiable et judiciaire;
Considérant qu'il est loisible, par conséquent, au législateur de prévoir, pour la procédure de création, les modes d'organisation et les modalités de fonctionnement des structures en question, des règles plus restrictives que celles de droit commun applicables aux sociétés commerciales ou régissant, plus généralement, l'exercice des activités économiques, tels que le fait de soumettre leur organisation, les modalités de leur fonctionnement et leur gestion à des statuts types approuvés par décret, le fait de les créer et de déterminer leurs missions en vertu de contrats constitutifs approuvés par arrêté interministériel, le fait de remplacer les organes de fonctionnement prévus pour les sociétés par un conseil d'orientation formé selon des conditions fixées par le projet de loi et le fait de poser des règles spéciales pour le contrôle et la dissolution;
Considérant qu'aux termes du projet, les terres revenant à l'Etat et affectées à l'espace de production et de services au profit des entreprises publiques des pôles technologiques, des groupements des pôles technologiques ou encore des entreprises soumises à la législation commerciale et gérant le pôle technologique créé sur le domaine de l'Etat ou sur une de ses dépendances, sont considérées comme domaine public de l'Etat pouvant être exploité par le biais d'une convention de concession ;
Considérant que le projet de loi crée, dans son article 17, un droit réel spécial au profit du titulaire de la concession ou du locataire des terrains situés à l'intérieur des espaces objet de la concession, sur les constructions, les ouvrages et les équipements fixes réalisés pour l'exercice de l'activité du pôle;
Considérant que l'article 34 de la Constitution prévoit, notamment, que sont pris sous forme de lois les textes relatifs aux principes fondamentaux des droits réels ;
Considérant que le projet prévoit, au sujet de l'inscription du droit réel en question ainsi que des droits des créanciers l'affectant, l'application des modalités et de la procédure prévues par la législation en vigueur en matière de droits réels;
Considérant que, eu égard à la nature spéciale dudit droit réel créé sur le domaine public de l'Etat, le projet de loi l'a limité à la garantie des prêts contractés par le concessionnaire ou le locataire, en vue de financer la réalisation des ouvrages et des équipements, leur modification ou leur extension, et a fixé l'expiration de l'effet des hypothèques qui affectent les droits réels, les constructions, les ouvrages et les équipements fixes avec la fin de la concession ou du contrat de location;
Considérant qu'il est loisible au législateur, dans le cadre de la détermination des principes fondamentaux des droits réels, en application de l'article 34 de la Constitution, d'édicter des règles concernant aussi bien la création de ce droit réel spécial que les conditions de son exercice et les limites des garanties qu'il offre;
Considérant qu'il apparaît de l'étude des dispositions en question et du reste des dispositions du projet qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution et sont compatibles avec celle-ci .
III- Emet l'avis suivant :
Le projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2001-50 du 3 mai 2001 relative aux entreprises des pôles technologiques ne soulève aucune inconstitutionnalité.
Le mercredi 15 mars 2006
Journal Officiel de la République Tunisienne - 16 juin 2006; Page 1582.
Note: Le législateur peut tout faire à l'intérieur et via l'article 34 de la constitution. C'est que le conseil nous dit.
Cet avis du conseil traite spécialement de 2 sujets: Les entités /ou structures publiques et Les droits réels.
Pour les premières, le conseil nous fait découvrir une affirmation par négation. Si la structure à créer ne constitue pas une catégorie d'entreprise publique (article 34 de la constitution) ou ne fait pas partie du domaine de l'article 35, c'est par loi qu'il faut passer. On aurait procéder autrement. Si l'entité n'est pas une nouvelle catégorie d'établissement public, c'est l'article 35 qui s'applique ipso facto. Le conseil nous dit: NON. Il faut chercher aussi les conditions d'application de l'article 35 pour se prononcer.
Quant au droit réel, le conseil Considère qu'il est loisible au législateur, dans le cadre de la détermination des principes fondamentaux des droits réels, et en application de l'article 34 de la Constitution, d'édicter des règles concernant aussi bien la création d'un droit réel spécial que les conditions de son exercice et les limites des garanties qu'il offre.
Bien que cette affirmation me donne une satisfaction à titre personnel étant donné qu'elle nous permet de sortir des "dogmes" institutionnels des notions classiques des droits, elle ne manque pas moins de semer un pseudo désordre dans le système par l'éparpillement de références aux notions.
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